ECLAIRAGISTE : LUMIÈRE SUR UN MÉTIER DE L’OMBRE
Kevin Briard, éclairagiste, a participé au mois de juillet dernier à l’Atelier Opéra en Création « réflexion », organisé par l’Académie du Festival d’Aix avec le soutien d’enoa (réseau européen d’académies d’opéra). De sa pratique professionnelle à ses projets à venir, en passant par son goût pour la musique, ce jeune créateur a accepté de nous livrer quelques pistes sur son travail. Pleins feux sur un métier de lumière, paradoxalement laissé souvent dans l’ombre…
Comment vous êtes-vous dirigé vers le métier d’éclairagiste ?
Initialement, je suis musicien amateur – je fais de la batterie depuis que j’ai une dizaine d’années, ce qui m’a permis, alors que j’étais adolescent, de travailler pour un festival de jazz en tant que backliner*. J’ai fait ça pendant six ans, puis les deux dernières années j’ai eu envie de faire autre chose, et je me suis tourné vers la lumière. Le travail des éclairagistes m’attirait : ils travaillaient généralement le soir, au calme et en extérieur, aux moments où personne d’autre n’était là. Ce côté décalé par rapport au reste des équipes me plaisait beaucoup.
Au début, cette envie est donc partie d’une proximité avec la scène, mais aussi d’une pratique de la musique…
Oui, pour moi c’est important de travailler près d’une scène, quelle qu’elle soit ! Mais quant aux genres de spectacles sur lesquels j’ai travaillé jusqu’à présent, les choses se sont faites un peu au hasard… C’est tout le paradoxe de nos métiers : à la fois, on est très indépendants et on a un goût développé pour certaines choses, mais on ne choisit pas forcément ce sur quoi on va travailler – on est plutôt choisis. Jusqu’à maintenant, j’ai surtout travaillé pour du théâtre ou de la danse, il peut aussi y avoir des spectacles hybrides… mais tout dépend d’abord du désir des autres. Ensuite, il faut faire naître un désir en soi-même !
En général, à quel moment de sa réalisation rejoignez-vous un projet ?
Il n’y a pas de règle. Le plus souvent, l’éclairagiste fait partie de ceux qui sont prévenus en dernier… Mais tout dépend des metteurs en scènes, quand une confiance s’est déjà instaurée, il m’arrive d’être associé à un projet bien plus tôt, en même temps que le scénographe et certains interprètes. Le metteur en scène est en général mon interlocuteur principal ; je peux bien entendu dialoguer aussi avec d’autres collaborateurs au projet, mais le fait d’avoir un référent qui centralise les avis de chacun, ça permet de ne pas s’éparpiller. Pour prendre une comparaison culinaire, c’est lui qui fait la réduction à partir de tous les ingrédients mis ensemble. Il a une vue d’ensemble, et il est capable de dire s’il faut rajouter une pointe de ceci ou de cela, pour donner de la saveur au plat.
Qu’est-ce qui détermine pour vous le fait de participer ou non à un projet ?
Au cours du workshop auquel je viens de participer, l’un des metteurs en scène a dit une chose intéressante : pour choisir de travailler ou non sur une production, il suit une règle, celle des « 4P » (en anglais) : play, people, place, pay [œuvre, personnes, lieu, rémunération]. Si au moins deux de ces paramètres sont réunis de façon satisfaisante, alors on peut commencer à considérer le projet ! Mais en ce qui me concerne, c’est surtout la dimension humaine qui importe. En l’occurrence, je me suis très bien entendu très vite avec Julien Fišera, le metteur en scène avec lequel je vais travailler sur le projet anniversaire des 5 ans d’enoa. C’est quelqu’un que je trouve brillant, et à partir du moment où j’aime bien la personne, je sais que ça va bien se passer. On pourra peut-être avoir des différends artistiques, mais j’aime à répéter que c’est dans la différence que la rencontre est possible.
Que vous a apporté le fait de participer à ce workshop, dans le cadre de l’Académie du Festival d’Aix ?
Cette année, pour la première fois, je vais travailler sur trois opéras ; alors je découvre comment ça fonctionne ! D’après ce que j’ai pu comprendre, la grande différence qu’il y a par rapport à d’autres types de spectacles, au niveau de la manière de travailler, c’est que les délais sont beaucoup plus longs. Il faut aussi dire que la lecture d’un livret, ce n’est pas la même chose que la lecture d’une pièce, et la relation à la partition risque aussi de changer des choses. Je vais sûrement devoir m’adapter, par rapport à ce que j’ai fait jusqu’à maintenant ; mais j’imagine que le fait d’être musicien, ça aidera.
En tant qu’éclairagiste, sur quel spectacle ou avec quel artiste rêveriez-vous de travailler ?
Sans hésitation, avec groupe de métal américain qui s’appelle Nine Inch Nails. Si un jour ils m’appellent, c’est sûr, il se passera quelque chose ! Là, je ne me poserai même pas la question des « 4P » [rires]… Je suis fasciné par la manière dont le chanteur et fondateur du groupe relie à sa musique le visuel de ses spectacles, de ses albums… Il tient tout ça d’une main de maître depuis vingt-cinq ans. Ce serait un vrai challenge de travailler avec lui !
Propos recueillis par Marie Lobrichon
*Lors d’un concert, le backliner est chargé de la préparation et de la maintenance de l’ensemble des équipements musicaux nécessaires (instruments et périphériques) ainsi que de l’assistance technique des musiciens.
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