L’INCROYABLE DESTIN D’ANDREEA SOARE
Atypique : c’est le premier mot qui vient à l’esprit, lorsqu’on pense au parcours de la soprano Andreea Soare. De ses débuts précoces en Roumanie comme performer et chanteuse de variété jusqu’à l’Opéra de Paris, en passant par l’Académie du Festival d’Aix, son incroyable aventure a tout du conte de fée. Lauréate HSBC en 2011, elle chantera aux côtés de Sabine Devieilhe et sous la direction de François-Xavier Roth, à l’occasion du concert des Lauréats HSBC donné à la Cité de la Musique à Paris le 2 décembre prochain. Entre deux répétitions, cette artiste en pleine ascension évoque son parcours, ses rêves et ses envies… un nom à retenir, et une voix à découvrir de toute urgence!
Racontez-nous votre parcours : quand avez-vous commencé à chanter, et comment êtes-vous arrivée au chant lyrique ?
Toute petite, j’ai commencé à participer à des concours pour enfants comme il y en a beaucoup en Roumanie, et où il faut non seulement chanter, mais aussi danser, jouer la comédie… Plus tard, j’ai remporté beaucoup de prix en chantant dans des registres très différents, de la variété à la musique traditionnelle roumaine, en passant par le folk où je m’accompagnais à la guitare. Mais jusque-là, je n’avais jamais pensé sérieusement à en faire une carrière. Le tournant décisif a été en 2004, quand j’ai eu l’opportunité de chanter aux Francofolies de La Rochelle. Là, des organisateurs sont venus me voir, et m’ont dit que je devais absolument prendre des cours de chant lyrique ! Ҫa ne m’était pas venu à l’idée, d’ailleurs je n’avais jamais vu d’opéra de ma vie… Puis je me suis dit : « pourquoi pas » ? Je me suis donc présentée au concours du Conservatoire de Strasbourg, où j’ai été reçue première nommée. Seulement voilà : je n’avais absolument pas les moyens de partir vivre en France – mes grands-parents qui m’ont élevée n’ayant que de très petites retraites, il leur était absolument impossible de m’aider. C’est alors que ma grand-mère a eu l’idée un peu folle d’envoyer une lettre à la télévision nationale roumaine. Peu de temps après, j’ai été contactée par une émission appelée « Surprise surprise » : « on vous donne 4000€ et vous partez demain matin à Strasbourg, on vous a trouvé un logement » ! Et c’est comme ça que je suis partie, du jour au lendemain, dans un pays étranger dont je ne parlais pas très bien la langue… une histoire complètement folle !
Comment s’est passée votre rencontre avec l’opéra ?
C’était vraiment une grande découverte ! Tout a commencé avec Mozart et son Idomeneo, qui était alors donné à l’Opéra de Strasbourg. C’était mon tout premier opéra, et j’ai été fascinée. Je me suis dit : c’est ça que je veux faire, je veux être sur la scène et pas dans la salle !
Selon vous, est-ce que le fait d’avoir ce parcours « atypique » vous a nourrie d’une manière particulière, dans votre rapport à la musique et au chant ?
Je pense que cette différence tient surtout à ce que j’ai abordé la scène avant de travailler la technique de chant. J’ai fait beaucoup de théâtre en Roumanie quand j’étais très jeune – j’avais cinq ans quand je suis montée sur une scène pour la première fois, alors ce n’est pas du tout une chose qui me fait peur ! Au contraire, je suis très excitée, et j’ai toujours hâte d’y être : entrer en scène est pour moi quelque chose de magique, je suis comme une autre personne… Au final, même s’il est assez atypique, je pense que mon parcours m’a fourni un bon bagage pour faire de l’opéra.
Vous êtes venue participer à l’Académie du Festival d’Aix en 2011 ; quels souvenirs en gardez-vous ?
Il y en a tellement ! Je me souviens particulièrement des master classes encadrées par Nicolau de Figuereido : sa technique d’enseignement, ses ornements au clavecin pour accompagner les chanteurs… Un soir, je devais donner en concert un air d’Alcina, qui était beaucoup trop aigu pour moi ; j’étais complètement paniquée, et nous nous sommes aperçus au dernier moment que le clavecin que nous avions ne permettait pas de transposer la partition un demi-ton plus bas… heureusement, Miguel m’a accompagnée lui-même, c’était une expérience extraordinaire que je ne suis pas près d’oublier !
Que vous a apporté le fait d’être nommée lauréate HSBC cette année-là ?
Ce prix m’a bien sûr permis de donner beaucoup de concerts, dans des lieux et des pays où je n’étais jamais allée : à l’opéra de Varsovie, à Munich… J’ai aussi pu chanter avec d’autres lauréats HSBC qui avaient participé à l’Académie avant ou après moi, et que je n’aurais pas eu l’occasion de rencontrer autrement.
Et maintenant, quelle serait la suite rêvée de votre « success story » ?
On a tous nos rêves, même s’ils sont parfois complètement fous! Bien sûr, j’aimerais chanter au Metropolitan et à Covent Garden, mais ce n’est pas pour tout de suite… [rires] Par contre, il y a certains rêves que j’ai déjà commencé à réaliser, comme par exemple de donner un récital avec orchestre : je l’ai fait l’année dernière avec l’orchestre de l’opéra de Varsovie. Et l’année prochaine, je vais chanter pour la première fois un grand rôle en Angleterre ; encore un rêve qui devient réalité ! Mais j’attends aussi avec impatience de chanter au Festival d’Aix…
Quelle est la personnalité qui vous inspire le plus dans votre parcours ?
Il n’y en a pas qu’une ; mais je suis très admirative des parcours de chanteuses comme Anna Netrebko, Renée Fleming ou Angela Gheorghiu… comme musiciennes et comme artistes, je les aime beaucoup.
Le 2 décembre prochain, vous chanterez aux côtés de Sabine Devieilhe à l’occasion du concert des Lauréats HSBC à la Cité de la Musique ; en quoi est-ce une première pour vous ?
D’abord, parce que ce sera la première fois que je chanterai des airs de concert de Mozart. On connait tous la difficulté de ses airs d’opéra ; mais ses airs de concert sont particulièrement longs et difficiles : il faut avoir une technique excellente, et l’intensité dramatique doit être maintenue tout du long. Et puis ce sera aussi la première fois que je travaillerai avec François-Xavier Roth et Les Siècles, une rencontre que j’attends avec impatience !
Quel air affectionnez-vous particulièrement, parmi ceux que vous chanterez ?
Je les aime beaucoup tous les deux. Mais je dois dire que j’ai une préférence pour le premier : « Ah ! lo previdi ». Pour moi, ce sont deux airs en un seul, avec un grand contraste entre un premier moment très enflammé, et une fin plus calme, plus sereine.
Et pour finir sur une note légère… savez-vous déjà comment vous vous habillerez ?
Ça, c’est une grande question… [rires] Le deuxième air que je chante, « Bella mia fiamma », est censé être interprété par un personnage masculin, mais je ne sais pas encore si je me changerai entre les deux airs. Quoi qu’il en soit, j’aurai une nouvelle robe, mais c’est vrai que j’en ai beaucoup…
Propos recuillis le 26 novembre 2015 par Marie Lobrichon
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